Une journée parfaite pour permettre à Wyatt de faire ses premiers pas sur l’air de jeu. Mes cheveux virevoltés au vent, un vent frais et agréable d’arrière-saison. Le soleil perçait entre les feuillages des grands arbres qui commençaient à se parer de dorure dorés. Prêts à revêtir dans quelques semaines leurs parures automnales. Le sourire aux lèvres, j’aidais mon petit bandit à s’enhardir petit à petit. Les pieds dans le sable comme une enfant qui aurait trop vite grandit. Je me nourrirais de sa joie si innocente et communicative. Cela fait longtemps que je ne m’étais pas sentie aussi bien, presque libre et libérée de toute émotion contradictoire. Je me sentais chez moi, en sécurité, bien qu’il reste la douleur de cette perte. Le décès de mon père, brutal, fulgurant. Mon père, cet homme que j’avais aimé de tout mon être, lui vouant une totale admiration. Quant à ma mère, cela faisait déjà plusieurs années qu’elle était partie, bien avant mon départ pour l’Amérique. Emportée par la maladie du siècle, le cancer, à moins que la maladie du siècle soit en réalité la haine et l’hypocrisie ? Je ne saurais vous dire. J’arrive encore à visualiser son visage, son corps, fantomatique, aussi affaiblie, et amaigrie. Elle m’avait fait penser à une enfant frêle, essayant de soulager ses proches de cette peine, du drame qui arriverait dans les jours prochains. Mon père ne s’est jamais remis de sa disparition. Il s’est réfugié dans le travail, se rapprochant aussi de son ami Riviera. Les Riviera sont des amis de la famille depuis leurs arrivées à Londres. Je me souviens des repas, des soirées à discuter autour d’un bon verre de vin, tandis que je me prenais peu à peu d’amitié pour Salvatore. Nous n’étions pas dans la même classe au début, et pourtant j’avais remarqué qu’il était le souffre-douleur de certain de nos camarades. C’est bien avant de rencontrer les Riviera que je lui avais accordé mon amitié. Trouvant injuste et injustifié qu’un être humain peut être traité ainsi, à cause de son origine et de son accent, accent qu’il a toujours gardé. Je suis partie sans presque un mot. Je l’ai juste informé que je partais, notre amitié en a souffert. Nous nous sommes échangés des lettres, les premiers mois. Quelques appels ensuite, plus espacés, et plus rien, chacun s’orientant dans une branche de vie différente. De nombreuses fois j’aurais tant voulu l’appeler, mais je me suis toujours abstenue trouvant cette idée déplacée et loufoque. Et s’il ne me reconnaissait pas ? et s’il m’avait oublié ? Nous n’étions que des adolescents après tout. Nous nous sommes revus récemment à l’enterrement de mon père… et le lendemain, il était venu pour m’aider à ranger, rencontrant ainsi mon fils Wyatt. J’avais apprécié sa discrétion, et qu’il ne m’assaille pas de question par rapport à mon petit blond. Il avait bien remarqué que le père du garçon n’était pas présent, que cela soit dans ma vie ou dans celle de mon fils. Blessure encore fragile mais qui semblait avoir cicatrisée.

C’est à ce moment-là, sans doute le destin joueur, qu’il apparût dans mon champ de regard. Wyatt vit également Salvatore, et il semblerait qu’il lui ait fait bonne impression car il m’attrapa la main pour me guider de force vers le grand brun au costume impeccable. J’eu à peine le temps de remettre mes escarpins, que nous nous retrouvions à sa hauteur. « Salvatore » dis-je simplement, un peu vexée qu’il ne m’est pas reconnue. J’imagine que c’était assez mérité, et qu’il devait également avoir la tête dans ses pensées. « Je serais presque vexée que tu ne me reconnaisses pas » ou plutôt blessée, c’était le meilleur terme. C’est à ce moment là que Wyatt se cramponna à lui sans raison possible. J’espérais qu’il ne faisait pas l’amalgame. Il n’avait que deux ans, mais il avait bien remarqué qu’il n’y avait pas de figure masculine à ses côtés… et il était trop petit pour remarquer, pour observer à quel point il était impossible que Salvatore soit son père. Wyatt est aussi blond que Salvatore est brun, les yeux de Wyatt sont bleus et ceux de Salvatore presque noirs. Je ne savais pas comment expliquer l’absence de son père pour ne pas le blesser… les questions finiraient par venir dans quelques années, mais pas aujourd’hui, heureusement. Il me restait pas mal de temps devant moi pour préparer mes réponses. « Comment vas-tu ? » Le regard de Wyatt passait de lui à moi en restant silencieux. qu'est-ce qui se passait dans sa petite tête ?

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J’espérais ne pas l’avoir dérangé. J’avais l’impression de l’avoir interrompu dans le cour de ses pensées. J’esquissais un sourire espiègle, sourire qu’il me connaissait tant. Il ne perdait jamais au change, sachant à chaque fois rebondir devant n’importe quelle situation, même avec un enfant entre les jambes. Pour une raison que j’ignore, Wyatt semblait l’apprécier depuis le premier coup d’œil. Il n’était pas rare qu’il me demande des nouvelles de Salvatore, alors qu’il n’avait vu ce dernier qu’une fois dans sa petite vie. Il n’agissait pas ainsi avec tout le monde. Bref, qui pouvait dire ce qui se passait dans l’esprit d’un enfant ? Personne. « Désolée de te déranger, tu dois être occupé j’imagine » répondis-je en me rappelant qu’il n’arrêtait jamais une seconde. Il n’avait que très rarement du temps pour lui. L’une des raisons qui m’avait fait rompre tout contact. Chacun continuant sa vie de son côté, pour nous retrouver quelques années plus tard. Il n’avait pas changé, et pourtant aujourd’hui, il me semblait inaccessible. Son regard était plus sombre, plus pensif. Et moi, j’imagine que j’avais gagné également en maturité. La vie ne m’ayant pas épargné émotionnellement.

« Il faudra que tu passes un soir à la maison, je me ferais un plaisir de te préparer ton repas préféré, enfin si tu veux » depuis mon retour, il m’avait été d’un grand soutien. C’était ma manière à moi de le remercier, en quelque sorte.
Je pris Wyatt par la main, histoire qu’il arrête de vouloir se cramponner à Salvatore. « Tu m’as manqué tu sais, pendant tout ce temps » amicalement parlant évidemment, même si pendant plusieurs années, en plein cœur de mon adolescente, j’avais longtemps espéré un geste tendre de sa part, sans jamais rien voir venir. C’était sans doute mieux ainsi. Wyatt ne serait jamais arrivé… et surtout sans oublier, que nous n’évoluons pas tous les deux dans le même monde.

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