Ce monde n’est clairement pas comme le mien. Tous ces codes, c’est compliqué et je m’en mêle les pinceaux régulièrement. Il y a vraiment du travail pour que je devienne une vraie lady. Et puis avoir un majordome constamment avec moi, c’est comment dire… un peu pénible parfois. J’ai l’impression de ne plus avoir d’intimité et d’indépendance car il fait tout : le ménage, la cuisine, la lessive… Je ne sers plus à grand-chose. Moi qui avais pour habitude de faire beaucoup de tâches à la maison, là je ne fais plus rien et je m’ennuie très vite…

Ce soir j’ai le droit à ma première soirée dans ce monde. Suis-je heureuse d’y aller ? Pas vraiment… Ai-je le choix ? Absolument pas. Papy m’a bien dit d’y aller et de représenter fièrement la société et surtout il faut bien que j’y passe un jour dans ce genre d’endroit.

Mon majordome m’a préparé ma tenue et je soupire en la voyant. Ce n’est pas tellement le genre de chose que j’aime porter, mais un jean avec tee-shirt ça passe beaucoup moins. Pendant qu’il m’aidait à m’habiller, il me faisait répéter les différentes règles que nous avons étudiées. Ça sera un bon moyen pour mettre tout ça en pratique, même si j’avoue avoir un petit peu de stresse.

Après avoir roulé quelques minutes, nous voilà arrivés. En arrivant en haut de l’escalier à l’intérieur de la salle, j’ai l’impression d’être comme Cendrillon quand elle découvre la salle de bal. Sauf qu’elle, elle s’y est très vite habituée alors que moi j’aimerais être une petite souris et me cacher très loin d’ici.

Mon majordome me pousse un peu afin que j’avance et effectivement, je m’étais figée à regarder tout ce monde présent dans la salle. Je descends donc les marches, faisant attention à ne pas me prendre les pieds dans ma robe, et nous rejoignons la table où je me trouve pour la soirée.

J’observe un peu les gens autour de moi et la majorité des personnes sont bien plus âgées que moi, même s’il y a quelques jeunes présents. L’homme qui m’accompagne me reprend plusieurs fois sur ma tenue et je soupire.

Soudain, un jeune homme me rejoint à ma table et s’assoit à côté de moi. Je sens que mon majordome se met sur ses gardes mais il reste tout de même en retrait.

- Je vous l’accord, c’est bien compliqué. Surtout quand c’est notre première soirée.

Je lui réponds en lui rendant son sourire. Ça fait plaisir d’avoir un peu de compagnie de mon âge.

Ma première soirée mondaine et je me sens s’y mal… Arriverais-je un jour à m’y faire à tout ça ? Je ne sais pas et seul l’avenir me le dira… Néanmoins, je dois avouer que c’est magnifique à regarder. Tous ces gens avec leurs beaux costumes, beaucoup de personnes rêveraient d’être à ma place sans doute. Moi ce que je souhaite pour le moment s’est de retourner à ma vie d’avant.

La visite du jeune homme qui s’assoit à mes côtés me fait plaisir. Enfin un peu de compagnie et j’ai l’impression qu’il est dans mes âges. Je ris légèrement quand il compare mon majordome à un pingouin. En revanche, je vois bien que cette comparaison n’a pas plu à mon majordome quand je vois le regard qu’il me lance. Je dois bien avouer que même si sa présence est parfois pénible, je suis bien heureuse de l’avoir à mes côtés. Déjà je me sens bien moins seule dans ce pays où je ne connais personne, et puis il m’aide régulièrement.

- C’est vrai que ce n’est pas toujours très agréable. Mais je n’ai pas à me plaindre, sa compagnie n’est pas désagréable.

Puis ce jeune homme me tend sa main tout en se présentant. Je la regarde quelques secondes, ne sachant pas trop si je dois lui serrer la main ou la lui tendre pour me faire un baisemain.

- Enchantée Anthony, je m’appelle Ambre Du… Davies.

Davies. Je ne m’y fais pas encore à ce nom de famille qui m’était totalement inconnu il y a quelques jours encore…

Je décide donc de lui tendre la main pour la lui serrer, et au vu du regard de mon majordome derrière moi, ce n’est pas ce qui était attendu… Tant pis, c’est une manière de saluer aussi.

- Tu as l’air d’être habitué à ce genre de soirée. Tu en fais régulièrement ?

Il a l’air bien plus à l’aise que moi en tout cas. Enfin sa famille doit être connue et peut-être que depuis tout petit il a connu cet univers finalement.

Mon majordome, malgré le fait qu’il soit parfois trop… collant, est une personne qui est importante pour moi. Déjà parce que c’est mon seul repère ici, et puis ça me permet de me sentir moins seule. J’ai toujours eu l’habitude d’être avec mes parents, je n’étais jamais seule. Alors avoir un peu de compagnie ne me fait pas de mal, et puis les discussions ne sont pas toujours désagréables.

Enfin au vu de ce qui vient de se passer ce soir, je pense que j’aurais le droit à quelques leçons de morales en rentrant. Mais pour ma défense, je suis novice dans ce domaine, alors les règles et coutumes de ce milieu je ne les connais pas tellement.

Le jeune homme à mes côtés complimente mon prénom et je lui souris. C’est vrai que c’est un beau prénom et je suis ravie de le porter. Je lui demande par la suite s’il a l’habitude de ce type de soirée. Sans m’en rendre compte, je finis par le tutoyer. C’est par habitude, car j’ai tendance à très vite tutoyer les personnes qui sont dans ma tranche d’âge.

- Oui, je pense que ça se voit comme le nez au milieu de la figure. Du coup je m’excuse par avance au cas où, car je ne connais pas encore correctement toutes les règles.

Qu’il comprenne que si je fais une erreur, ou que sans faire exprès je lui manque de respect sans le vouloir, c’est que je suis débutante. Mais je compte bien m’améliorer dans le domaine et prouver à mon grand-père que je peux être une vraie lady.

Je lui souris quand il me dit qu’il est étonné qu’on ne m’ait pas donné les bases. Effectivement, les bases ont me les as données, enfin en deux-trois jours. C’est juste que moi je ne les ai pas vraiment retenu. Je sais qu’il faut se tenir droite et garder la tête droite également. Une lady ne croise pas les jambes. Il y a le vouvoiement aussi, mais c’est une règle où j’ai encore du mal. Mon majordome m’aide beaucoup et il fait son maximum, mais il ne peut pas faire des miracles alors que ça ne fait même pas une semaine que je suis là. Et puis franchement, quelle idée de m’inviter à ce genre de soirée alors que je commence à peine mon éducation de lady.

- Si les bases on me les a dites. Pour tout te dire, enfin vous dire autant pour moi, c’est que je viens à peine d’apprendre que je suis d’une grande famille. Donc je n’ai pas réellement tout retenu.

Je lui souris, un peu gênée. Le jeune homme enchaîne alors en me proposant de m’aider à obtenir les bases. Je suis étonnée qu’il veuille m’apporter un coup de main, mais ça fait plaisir. Il m’explique qu’il a bien été formé mais qu’on ne peut pas le comparer à la famille Gran… quelque chose. Je dois avouer que je ne connais pas du tout les gens de la haute dans ce pays, même tout court en fait.

- Et bien avec joie. Merci à vous d’accepter de m’aider.

Je trouve très sympathique de sa part de vouloir m’aider à m’améliorer alors qu’on ne se connaît même pas. Comme quoi il n’y a pas que des personnes qui colportent des rumeurs dans votre dos, il y en a aussi qui savent tendre la main et nous aider.

Cependant, je ne m’attendais pas à ce qu’il m’aide dès ce soir. Mais c’est vrai que c’est l’occasion de pratiquer ce qu’il va m’apprendre.

Je l’écoute attentivement me réciter les règles des trois M. Je me redresse sur ma chaise, tout en ressortant ma poitrine et relève le menton. Ce n’est clairement pas une position agréable. Comment on fait pour tenir si longtemps ?! Je sais déjà qu’au bout de quelques minutes j’aurais repris ma position de d’habitude.

Puis il me parle de matière, enfin de savoir si je comprends bien. Effectivement je ne vais pas m’amuser à lire un dictionnaire, mais je crois que niveau conversation avec ces gens, nous ne sommes pas sur la même longueur d’ondes…

- Je crois que sur ce point, je vais avoir du travail à faire, sauf si des personnes sont intéressées sur comment fabriquer son pain.

Je lui souris, amusée, en sachant très bien que la plupart, à mon avis, ne prépare pas leur repas, alors faire leur propre pain…

Enfin, il m’explique qu’il y a des bonnes manières à avoir. Pour le coup, je m’en doutais un peu et j’ai beaucoup de mal à les retenir.

- Bien, et donc quelle est la bonne manière de dire bonjour à un homme et bonjour à une femme ?

Demander à mon majordome les derniers potins… ce n’est pas une mauvaise idée. Je n’aime pas lire la presse people. Enfin si ça se trouve il n’en lit pas plus que moi, mais il doit être au courant de ce qui se passe à mon avis. Je lui demanderais ce soir. Mais c’est sûr que es rumeurs les intéresseront plus que faire la cuisine, même si je trouve que c’est bien plus intéressant.

Je demande donc à mon voisin de m’expliquer comment saluer un homme et une femme. Il me dit d’observer et j’oublie ma posture pour m’installer correctement et le regarder faire. En tout cas il l’air bien intégré à ce monde.

Quelques minutes plus tard il revient s’assoir à mes côtés en me donnant quelques petits conseils supplémentaires.

- Oh je vois. Donc pour un homme, je dois tendre ma main afin d’avoir un baisemain et pour la femme, j’incline la tête ? Pourtant, de souvenir, mon majordome m’a expliqué que je ne devais pas recevoir de baisemain car cet usage est exclusivement réservé aux femmes mariées ou d’un certain âge. Et surtout à la maîtresse de maison. Mais je retiens pour la révérence.

Enfin c’est de ce que je me souviens de ces leçons très rapides dans la voiture avant que nous arrivons ici. Mais peut-être qu’il existe plusieurs façons de faire dans ce cas. Pourquoi c’est si compliqué alors qu’il suffirait que tout le monde se sert la main ou se fasse la bise ? Cela serait bien moins compliqué que de savoir quel type de salutation on doit effectuer face à la personne qui se trouve face à nous.

- Et je voulais savoir, qu’est-ce que vous avez appris durant votre apprentissage ? C’est dur ? Enfin je suppose qu'on n'apprend pas la même chose à un garçon et à une fille.

Le fameux baisemain. On croit pourtant que c’est simple en les voyants faire à la télévision, mais finalement c’est tout un art et on ne le fait pas à tout le monde. Bien trop compliqué finalement, heureusement que je n’ai pas à en faire. Néanmoins, savoir comment saluer telle ou telle personne c’est un savoir que je n’ai pas encore acquis. Tout se joue en fonction du grade de la personne, mais c’est difficile quand on ne connaît pas la personne face à nous.

Je demande donc à mon interlocuteur si c’est compliqué de retenir toutes ses règles. Il me répond que ça dépend. Je suppose qu’il y a certaines règles qu’on doit mettre plus fréquemment en pratique que d’autres. Mais nous n’avons pas les mêmes règles en fonction de notre sexe.

Je regarde Anthony partir pour rejoindre sa place et sur mon visage on peut y lire un peu d’angoisse. Je me sentais plus bien en sa compagnie et voilà que je me retrouve qu’avec des gens d’un certain âge qui se connaissent déjà tous. Je sens que la soirée risque d’être très longue…

Je souris et salue les personnes qui arrivent à ma table et cherche du regard mon camarade. Heureusement pour moi il n’est pas trop loin. Vivement que le repas soit terminé.

Le repas qu’on nous a apporté était excellent. Moi qui adore mangé, j’ai été plus que ravie. Cependant, je crois que je ne vais pas manger pendant plusieurs jours. Mais c’était très compliqué de trouver quelle fourchette utiliser pour manger tel plat ou bien la cuillère. Heureusement que mon majordome essayait de m’aider comme il le pouvait de façon la plus discrète possible.

Les conversations n’étaient pas des plus passionnantes. Je m’enfonçais un peu plus dans ma chaise à mesure du temps qui passait. Ils parlaient de personnes que je ne connaissais pas le nom et m’ont ignoré tout du long. En même temps il fallait mieux car j’aurais été incapable de répondre quoi que ce soit.

Puis un homme monte sur l’estrade et remercie les personnes d’être présentes aujourd’hui. Il fait un discours de quelques minutes puis tout le monde l’applaudit. La musique retentit et les gens se lèvent pour aller valser. Je dois avouer que c’est magnifique à regarder, comme dans les contes de fées.
Je sursaute quand Anthony approche pour me demander de danser avec lui.

- Vous êtes sûr ? Non parce que je ne sais pas danser et je n’aimerais pas vous marcher sur les pieds.

Je ris un peu gênée. Mon majordome m’a montré un peu quelques pas, mais nous avons très vite laissé cette leçon car je ne suis vraiment pas douée pour la danse.

Ça me fait très plaisir qu’Anthony m’invite à danser, mais j’ai deux pieds gauche je n’ai pas envie de lui écraser les siens et surtout le mettre dans l’embarras. Mais il accepte néanmoins de prendre le risque et il attrape ma main pour m’emmener sur la piste de danse.

- Je vous fais confiance.

Il place sa main droite entre mes omoplates et son autre main prend la mienne. Il me dit de placer mon autre main sur son épaule et je m’exécute. Je sens quand même un peu d’angoisse monter en moi. Ce n’est pas le moment, tout va bien se passer il n’y a pas de raison. Je souffle un coup et il nous fait valser doucement. Je regarde beaucoup mes pieds, de peur de marcher sur les siens. Mais dans ma tête j’entends la voix de mon majordome me dire de la relever et je la relève instantanément. Je me concentre sur mes pas mais un accident est vite arrivé.

- Oh pardon je suis désolée. Je ne vous ai pas fait mal j’espère.

Et oui ça m’a pas manqué, je lui ai marché sur le pied. Je suis tellement confuse. J’espère que je ne lui ai pas fait trop mal. Surtout les doigts de pieds, ce n’est pas du tout agréable comme sensations. Et je l’ai un peu vécu quand je me cogne le doigt de pied contre le coin de la table.

Je me sens vraiment mal quand je lui marche sur le pied. Bon je l’avais un peu prévenu que j’étais débutante dans ce domaine. Même mon majordome y a eu droit. Nous avons attiré le regard de quelques personnes, j’espère que ça ne le mettra pas dans une mauvaise posture. Mais il me sourit en me disant que ce n’est rien. Je lui souris à mon tour, en lui disant encore une fois à quel point je suis désolée. Cependant nous reprenons notre valse et nous allons à notre rythme, enfin plutôt au mieux. C’est vraiment une personne très attentionnée.

Une fois la danse terminée, il me raccompagne jusqu’à ma table. Les gens continuent de danser encore, sans doute pour les faire digérer avant de prendre le dessert.

- Merci beaucoup pour cette danse et encore désolé pour votre pied. Accepteriez-vous de me tenir compagnie encore un peu ?

J’aimerais bien qu’il dise oui, je ne connais personne d’autres dans cette salle et c’est toujours agréable d’être en bonne compagnie.

A mon soulagement, Anthony accepte de rester en ma compagnie. Cependant je le regarde plutôt surprise quand il me dit qu’on ne restera pas ici. J’accepte de le suivre néanmoins, agrippant son bras, et je remarque que mon majordome me suit loin. Il me dit qu’il va nous amener à un endroit où on pourra être des jeunes plus « normaux » et j’avoue que ça attise ma curiosité.

Finalement nous ne sommes pas partis très loin car nous avons rejoint une salle qui se trouve en dessous de la principale. En entrant, un jeune homme demande à mon accompagnateur où est-ce qui se trouvait. En observant un peu la salle, je remarque qu’il y a pas mal de personnes de notre âge. Ils nous rejoignent tous très rapidement et Anthony me présente aux autres.

- Enchantée de vous rencontrer.

Je me retrouve très vite submergée à mon tour et Anthony vient à ma rescousse. Je remarque au loin mon majordome qui est resté à côté de la porte et il me sourit. Je lui rends son sourire et me tourne vers Anthony qui me demande si je veux boire quelque chose. Je remarque alors qu’il me tutoie et il m’en donne la raison. Je lui souris avant de répondre.

- Je veux bien oui. Qu’est-ce que vous avez à boire ?

L’ambiance est bien plus détente ici que là-haut et je m’y sens bien mieux. Je comprends pourquoi ces jeunes gens préfèrent être ici. Et ça me rassure également que je ne suis pas là seule à ne pas forcément apprécier ma vie de lady. Enfin à avoir envie d’y échapper parfois.

On me propose à boire et je souris quand on m’appelle lady. Je n’y pas tellement habituée alors ça me fait bizarre.

- Et bien je vais prendre un truc avec un peu d’alcool. Il faut pouvoir finir la réception là-haut après.

J’avoue que ça ne m’enchante pas tellement de devoir y retourner après. Mais je sais très bien que je n’aurais pas le choix car il y en a un qui me ramènera de force s’il le faut. Et puis les parents de ces jeunes gens doivent les attendre en haut aussi.

- Et toi Anthony tu bois quoi ?

Je le regarde avec un sourire, en attendant sa réponse.