J’ai bien morflé cette fois. Trois jours après mon rendez-vous avec l’avocate je me suis fait choper dans un coin on peut dire. En tout cas j’ai pris des coups assez violents et malheureusement ils ne se sont pas contentés de ça... Je suis maintenant du côté des victimes. Je me suis réveillé à l’hôpital avec un bras dans un plâtre et plusieurs contusions sur presque tout le corps. Mon arcade me fait souffrir, j’ai des bandes autours du torse et le pire c’est que mon bras pas blessé est attaché au lit. Comme si dans mon état je pourrais aller bien loin.  Mais au-delà de tout, il y a mon dos. J’ai l’impression de sentir encore le sang couler le long de ma colonne. J’arrive pas à croire qu’ils m’aient lacéré le dos comme lorsque j’étais gosse. Bien sûr c’est pas les mêmes qui m’ont fait ça, mais pour moi c’est la même chose, la même douleur.

Je fixe un point sur le mur depuis que je suis éveillé. J’ai pas dit un mot aux toubibs, rien du tout. Mais pour le coup c’est pas l’un deux qui entre dans la chambre. C’est mon avocate. J’aurais dû me douter qu’elle viendrait. Je lui lance un sourire crispé et douloureux, mais je fais de mon mieux pour tenter de la rassurer sur mon état. Je ne sais pas si elle a parlé au médecin, donc je ne sais pas si elle est au courant de ce que j’ai réellement. Bonjour, maître...

La réflexion de mon avocate me fait un peu rigoler. Ce que je regrette tout de suite. Je vois pas de quoi vous voulez parler. Ok, là je la taquine un peu. Mais je redeviens rapidement sérieux quand elle me demande comment je vais. J’ai connu mieux, mais ça va. Rien de méchant. Je sais que je ne suis convainquant, mais je n’ai pas envie de l’inquiéter outre mesure. Je pense que je serais pas là pour le rendez-vous par contre. Je risque de devoir rester un peu ici. Je suppose qu’on vous a raconté ce qu’il s’est passé… D’un côté j’espère qu’elle va me dire non. Histoire que je puisse un peu modifier la vérité, ou au moins omettre quelques détails. Mais en même temps la connaissant elle saura si je lui ment. Je suis bien la victime pour une fois et ça ne me plaît pas du tout comme situation.

Je me fige un instant comme elle me demande quelles sont mes blessures. Avant de finalement lui répondre en lui donnant le moins de détails, histoire de dédramatiser la chose. Rien de méchant, un poignet cassé et plusieurs côtes fêlées. J’ai aussi un traumatisme crânien. C’est pour ça qu’ils veulent me garder… Ou parce que je refuse de leur répondre. Je baisse les yeux, sans lui parler de mon dos, pour l’instant du moins. De toute façon elle enchaine en me demandant de lui raconter ce qu’il s’est passé. Elle n’a eu que des échos en plus. Je suis tombé dans les escaliers, c’est tout. Je suis juste tombé tout seul. Je sais que je suis pas convainquant, mais j’espère qu’elle ne s’attendait pas à que je balance des noms tout de suite.

Bon d'accord ce n'est peut-être pas rien de méchant. J'ai sans doute un peu exagéré. En tout cas j'aurais pu être dans un état bien pire. Comme elle me demande qui me soigne je réfléchis un instant. Je ne sais plus. Une femme. Pas le docteur Reagan... une autre.

Pour le manque de coopération aussi il me faut avouer qu'elle a raison. Je soupire un coup avant de lui répondre un peu amer. Déjà que je voulais pas savoir ce que j'ai et qu'ils me l'ont quand même dit... faudrai en plus que je leur réponde ? Je savais le principal et je voulais pas en savoir plus.Je sais que c'est de la mauvaise fois. Mais je la laisse enchaîner en me grondant comme un gosse. Ce qui ma fois semble devenir une habitude. Je tourne la tête vers le moniteur avant de prendre une grande inspiration...

Je commence plusieurs fois ma phrase avant de finalement avoir le courage de lui répondre. Je peux pas... je peux pas vous le dire. Ça ferait qu'empirer les choses. Je suis tombé dans les escaliers. C'est tout ce que je peux dire... Je la fixe un instant dans le silence avant de souffler en fermant les yeux tout en laissant ma tête retomber sur le coussin. Je veux pas qu'ont viennent me poser de question là-dessus. Je veux pas à avoir besoin de témoigner. Si je vous le dis vous pourrez faire en sorte que je sois tranquille ?

Je sais bien que personne ne pourrais croire que je suis tombé dans les escaliers, mais j'ai pas envie de balancer les types qui ont fait ça de peur que ça empire. Je sais que je devrais parler... mais je peux pas. Et si on me mets en quartier sécurisé ils vont penser que j'ai parlé... Je marque une pause en l'écoutant parler de témoigner par écran. Mais ça ne change rien au problème. Non... je veux pas témoigner du tout. J'ai pas envie de devenir une balance... je suis en taule parce que j'ai pas balancé . Si je le fait maintenant j'aurais perdu des mois pour rien et puis... je vais me marier en sortant. J'ai envie de survivre jusque là... je ne veux pas témoigner. Je veux pas qu'on m'interroge sur ce qu'il s'est passé. Je voudrais juste qu'on me laisse tranquille. Même si ça intéresse les flics et qu'ils enquêtent je veux qu'ils me fiche la paix. Ma voix est bizarre. Comme un mélange de peur, de fatigue et de colère. Mon dos... c'est qu'un avertissement... la prochaine fois ce sera pire...

Ils ne me laisserons pas tranquille… je le savais, mais ça me saoul de l’entendre. Je reste alors silencieux en écoutant mon avocate. Elle a raison. Je le sais très bien. C'est bien ça le pire. Ça ou le fait que comme je tente de me redresser je sens la peau de mon dos se déchirer. Je geins de douleur en lançant un ça va à Lily avant qu’elle ne puisse dire quoi que ce soit. Je reprends mon souffle avant de finalement soupirer un grand coup. D’accord. D’accord, vous avez raison. Je vais témoigner. Je veux juste faire ma vie avec Eleanor et être tranquille. Je ne me souviens pas de tout, mais je ferais de mon mieux. Vous pourrez demander à ce que je sois protégé ?

Je la vois appuyer sur le bouton pour appeler l’infirmière, mais je ne dis rien. Je me contente de l’écouter quand elle me propose l’utilisation de l’hypnose. Non, je refuse l’hypnose. Je suis contre. Je ne veux pas me souvenirs de tous les détails. Je me souviens suffisamment de la lame sur mon dos. Ça me suffit. Je veux pas revivre ça encore une fois… La porte s’ouvre alors sur une infirmière qui règle la morphine au niveau de la perfusion. Elle me redresse aussi un peu plus sur ma demande et je suis alors presque complètement assis. Je regarde mon avocate comme l’infirmière repart. Je me souviens des deux qui m’ont barré le chemin. Et de un de ceux qui m’ont chopé par l’arrière. Les deux autres j’ai pas vu leurs visages. Juste les coups qu’ils m’ont mis. Je suis contre l’hypnose, je veux pas revivre ça et j’ai peur de balancer d’autre truc…

Je cherche dans ma mémoire ce que je pourrais lui répondre quand elle me demande de lui en dire plus sur les trois que je pourrais reconnaitre. Il faut dire que mes souvenirs sont encore un peu flous. Je les connais pas personnellement. Je connais leurs surnoms, mais pas leurs vrais noms. C’est qu’on donne pas forcément nos blazes à tout le monde, les gardiens les ont ça suffit. Je sais juste qu’ils sont dans le même bloc que moi. Je suppose que les deux autres aussi. Je pourrais dire dans quelles cellules ils sont par contre, je pense que ça pourrait bien aider non ? J’attends qu’elle acquiesce avant de reprendre. Vous savez que je vais le payer cher le fait de parler ? Et ne me parlait pas de protection, j’y crois pas trop moi. J’en ai entendu parler des gars sous protection qui se sont fait crever dans les douches… alors excuser moi, mais j’ai pas confiance. Si je parle c’est bien pour vous, parce que je veux prouver que je suis capable de coopérer, pour pouvoir sortir au plus vite aussi…

Je reste un instant silencieux avant de me mettre à tousser, j’ai toujours un mal de chien, même si la morphine fait effet. Je me recouche alors correctement avant de me tourner vers mon avocate. On peut remettre mon témoignage à plus tard ? Je suis épuisé…