Jamais je n'aurais pensé qu'elle puisse faire un tel effort, de pousser cette volonté de tout reprendre à zéro aussi loin. Enfin... Certes, on avait dit qu'on recommençait tout. Mais tout de même. Moi, à sa place, je pense bien que je me serais pris pour un barge, à lui redemander son nom. Enfin, j'imagine. Toujours est-il qu'aussi étonnant que ça puisse paraître, elle rentre dans mon jeu. Et comme pour l'en remercier, je lui adresse un regard complice...

- Enchanté Rebecca. J'aurais bien aimé te proposer de t'installer dans le sofa, mais... comme tu peux le voir, le confort est un brin limité, ici.


Je regardais au tour de moi, une envie de rire soudaine. Mouais. C'était le moins qu'on pouvait dire. Les murs étaient fissurés, moches. Un coup de peinture n'aurait pas été de trop. Sans parler de ces vieilles chaises en plastique, tables bancales, et autres installations électriques datant du millénaire précédent. Bon, en même temps... ils devaient partir du principe que nous n'avions besoin que du strict minimum. On était en taule, ici. Pas dans un quatre étoiles. Pas de quoi être étonné, donc, par tout cet état des lieux laissant vraiment à désirer. A sa demande, je lui fis un grand sourire amusé:

- Je pense que si tu en as envie... alors tu aurais tout intérêt à le faire. Tu as un cendrier à ta droite.

"Assez joué". C'était exactement ce genre de trucs, que j'avais peur d'entendre. Pourquoi fallait-il qu'elle veuille tout d'un coup arrêter là ? personnellement, même si c'était naïf, stupide, et que le but inexistant de cette discussion était franchement discutable, ce n'était pas pour me déplaire, loin de là. Et lorsqu'elle me demanda ce que mon compagnon de cellule m'avait promis, mon sang n'a fait qu'un tour. Putain. J'aurais tellement espéré qu'elle oublie tout ça. Je n'aurais jamais du en parler. Mais il était trop tard pour les remords. Fallait assumer, maintenant.

- Ce qu'il... bordel, t'as pas oublié, hm ? J'ai soupiré, essayant de trouver les mots Il m'a dit connaître des gens, là, dehors. Des mecs qui m'auraient permis de la revoir plus souvent. Voir même de sortir plus tôt, si tu vois ce que je veux dire.Tout ce que je voudrais, c'est voir ma gamine, point barre.

Et voyant son paquet de cigarettes glisser jusqu'à moi, j'en attrape une que j'allume dès qu'elle a terminé d'allumer la sienne, la remerciant d'un signe de tête...

Vous avez déjà vécu un interrogatoire ? la pression ? la peur de craquer ? même si ce ne sont pas les mêmes circonstances, j'avais pourtant l'impression de vivre tout ça. Une fois de plus. Ma gorge était serrée. Mes machoires serrées, tellement que même un cric n'aurait rien pu pour me faire ouvrir la bouche. Je ne savais pas quoi lui dire, quoi lui répondre. Il y avait tellement à dire. Et puis que penserait-elle, si je lui disais que j'avais fini en taule à cause de la mère de Lily ? mon dieu. Je me sentais faible, stupide. Tirant nerveusement sur ma cigarette, j'ai soupiré. Et puis je lui ai tout dit:

- Je ne peux pas dire que je sais ce que tu ressens. Moi, j'ai vu ma fille grandir, j'ai pu en profiter un peu, avant de finir derrière les barreaux. J'suis désolé. J'ai fini en taule à cause de la mère de la p'tite. Tu sais ce que c'est. On tombe amoureux, on devient complètement con, on fait des conneries. Pour ma part, ça a été le vol à main armée, avec cette folle. La fusillade a eu raison d'elle, et au fond, c'était le mieux qui pouvait lui arriver. On aurait fini par s'entretuer. J'ai marqué une courte pause, avant de la remercier: C'est gentil, mais... te sens pas obligée. Enfin, je veux dire... pourquoi tu voudrais m'aider ?

Peut-être que j'allais lui donner une image de moi comme celle d'un connard. Mais non. Je ne pensais pas en être un. J'étais juste méfiant !