Aujourd'hui, c'est le grand jour ! non, je ne bosse pas, c'est le weekend ! mais en revanche, je suis bien décidé à mettre ce foutu court métrage en place ! j'ai tout: le scénario, l'imagination pour, mais aussi et surtout la motivation et la détermination. Détermination... putain, j'étais persuadé ne plus en avoir depuis belle lurette. Je suis heureux de constater que je me suis planté sur toute la ligne, en fait.

Sans me presser, je me prépare, plein d'entrain, sautant partout dans l'appart sans raison apparente au doux son de mon groupe de métal préféré, sous les yeux de mon chat, ébahi par un tel remue ménage dans sa vie pourtant si tranquille en temps normal...
Et au bout d'un moment, je m'en vais, fin prêt. La route est longue jusqu'à Broadway, pourtant, je parviens à prendre mon mal en patience, et le trajet semble plus court qu'il ne l'a été.

Le reste de ma journée, je ne fais rien d'autre que de prendre des rushs afin de pouvoir faire ce que je veux au montage. Parfois, les gens viennent me poser des questions, d'autres me regardent interloqués... Je dois bien dire que ça me fait marrer, de voir la tête de certains !

Au cours de mes périgrinations, je décide finalement de bouger un peu. Qui sait, peut être que je pourrai trouver la perle rare, le truc qui fera mouche ! enfin ça, c'est ce que je croyais. Parce qu'en marchant dans ces dédales de rues, j'ai trouvé le moyen de me paumer en plein milieu du quartier... Je souffle un bon coup, je tente de ne pas paniquer malgré la nuit qui tombe. Au pire des cas, je pourrais bien trouver quelque part où dormir, et rentrer demain... Ou même tenter le tout pour le tout et prendre les transports en commun. Je ne sais même pas s'ils s'arrêtent, la nuit, ici. Putain; faudrait vraiment que je me sorte mes petites habitudes françaises de la tête un jour !

Pris dans mes pensées, je ne fais plus attention à ce qui se passe autour de moi. C'est peut être d'ailleurs pour cela que je ne vois pas l'homme qui marche en face de moi, et que je bouscule violemment ! il ne manquait plus que ça. M'assurant qu'il va bien, je pose attirail au sol, avant de lui lancer :

- Je suis vraiment désolé je... est-ce que vous allez bien ?

J'avoue avoir du mal à réaliser que je suis par terre, d'abord. Tout s'est passé tellement vite, que... non, je n'ai rien vu venir. Ce n'est que lorsque le monde me semble bien plus grand que d'habitude, et moi encore plus petit -ce que pourtant, je pensais impossible-, que je me dis que quelque chose ne va pas ! Mais... ce qui me dérange ne serait-ce qu'un tout petit peu, c'est qu'il n'y a pas que moi dans cette situation, vous vous en doutez. Il y a aussi... ce mec en face de moi. Lui, n'est pas tombé. Il faut dire qu'il est quand même mieux bâti que moi, qu'une simple brise pourrait emporter... Je me relève, tendant, d'un même geste, ma main vers lui, afin de serrer la sienne :

- Tout va bien, merci ! et puis... ne vous excusez pas... c'est moi qui vous ai foncé dedans. J'essayais de retrouver mon chemin, alors c'est vrai que... non, je ne regardais pas devant moi !

Je lui adresse un sourire, essuyant ensuite la poussière sur mes vêtements. Bordel, je savais que les rues de New-York étaient salles, mais de là à me retrouver avec les fesses noires, je ne pensais pas. Tant pis ! ça partira bien au lavage ! et dans le cas contraire, eh bien... ça me donnera un petit style des plus simpatoches. Alors tout va bien !

Après avoir hésité quelques secondes je finis par lui lancer :

- Oh... mais j'y pense... Vous êtes d'ici ? peut être que vous pourriez m'aider, si vous avez quelques instants ?

Oui, quelques instants, pas toute la nuit non plus. Je n'ai pas envie d'importuner cet homme plus que je ne viens de le faire !

J'ai tout de même de la chance, de tomber sur des gens aussi sympathiques que ceux dont je fais la rencontre en ce moment. Après tout, c'est vrai, tout le monde n'est pas obligé de réagir de la sorte, avec autant de bienveillance avec autrui. Comme quoi, finalement, peut-être que l'humanité n'est pas si pourrie que ça. Peut être qu'elle n'est pas majoritairement composée de criminels, terroristes et psychopathes en tous genres... Et heureusement. C'est bien mieux comme ça.

Une fois à nouveau sur mes deux jambes, j'adresse un sourire au jeune homme en face de moi, et le remercie du coup de main. Il n'était pas obligé de m'aider à me relever après tout. Et lorsqu'il m'avoue qu'il était dans la lune, j'éclate de rire. Au moins, je n'étais pas le seul.

- Effectivement. Les rues ne désemplissent jamais ici. C'est fou !

C'est fou, oui. D'autant plus que ça me change clairement de ma ville natale. Un trou paumé, dont les rues sont vides à dix-sept heures. A la nuit tombée, plus rien, plus âme qui vive. Juste ce silence, apaisant pour certains, oppressant pour d'autres, et quelques chats sauvages, courant pour traverser les rues, sans doutes à la recherche de quelque chose à manger. Rien à voir avec New-York, bien au contraire. Mais heureusement, je suis du genre à savoir me fondre dans mon environnement sans que ça ne me pose trop de problèmes. Et puis... si ça avait d'ailleurs été un soucis pour moi, je ne serais plus ici !

Fronçant les sourcils, réfléchissant, j'avoue que... je me retrouve bien con, lorsque je réalise que je n'ai rien à répondre à sa question.

- Ce que je cherche ? en réalité, je ne sais pas vraiment. Je cherche quelque chose qui donnerait bien à l'image. C'est une nouvelle caméra, alors j'aimerais tester quelques petites choses, afin de ne pas avoir de mauvaises surprises par la suite...

Je marque une courte pause, écoutant sa question, avant de reprendre dans un sourire:

- Oh non, je ne suis pas un pro. Même si j'adorerais ! Disons que... je fais des fictions sur internet. Ca m'amuse. Et qui sait, peut être qu'un jour j'aurais assez de bouteille et de technique pour pouvoir penser à passer pro ! Puis je poursuis : Photographe ? c'est génial ! En tous cas... bravo à vous, j'imagine qu'il faut un certain talent, pour passer pro. C'est pas donné à tout le monde !

Et terminant ma phrase, je reprends mon matos qui était jusque là, au sol, un peu secoué par ma chute. J'espère que ma caméra n'a rien. Ca me ferait chier, de l'avoir pétée avant de pouvoir faire quoique ce soit avec !